Dieser Artikel ist im Augustinus-Lexikon in dessen 5. Band, Faszikel 1/2 (2019) auf den Spalten 188-191 erschienen.

  • Virgo inter virgines
  • «Haec est papalis sedes et pontificalis»: Der Bischofsstuhl (cathedra) des Papstes, Namensgeber der «Sedes apostolica». San Giovanni in Laterano, Rom. – Bildquelle: wikimedia commons von Sailko lizensiert unter CC BY 3.0 UL.

1. Eglises apostoliques et apostolicité de l’Eglise – 2. L’Eglise romaine

Dans le corpus a. l’expression s. a., ou plus fréquemment a. s., est employée en une quarantaine d’occurrences, d’une part en un sens générique, d’autre part plus spécifiquement et beaucoup plus fréquemment pour désigner le siège romain, et cela toujours dans un contexte de polémique, de controverse ou de dispute. Il convient de noter dès l’abord qu’aucun autre corpus non romain contemporain d’A. n’emploie ce vocable avec une telle fréquence [1].

Note

[1] Pour une vue globale, cf., par ex., PINTARD.

1. Eglises apostoliques et apostolicité de l’Eglise. – Tertullien, à l’adresse de ses adversaires doctrinaux, avait orchestré le thème des ‹ecclesiae a.›, en une double signification: au sens strict des Eglises fondées par des apôtres [2]; au sens large des Eglises qui dérivent des premières par ‹consanguinité doctrinale› [3]. Dans les deux cas, la succession épiscopale assurait la vitale continuité du principe apostolique, source d’autorité par excellence dans l’Eglise. La thématique avait été reprise par Optat de Milev contre les donatistes [4].

A. la revisite à son tour sous des formulations variées [5] dans le même contexte polémique, mais aussi bien contre des manichéens ou contre des païens: il parle indifféremment des ‹a. ecclesiae› [6] (↗Ecclesia), des ‹s. apostolorum› [7] ou des s. a. [8] (↗Apostolus (apostolatus)), pour y trouver un fondement autorisé (↗Auctoritas) à son argumentation et aux thèses qu’il défend [9]. En doctr. chr. 2,12, s. a. est en lien avec les ‹ecclesiae catholicae› (↗Catholicus, -a) [10]; cela montre clairement que les s. a. sont une catégorie primordiale des ‹ecclesiae catholicae›, et sont d’une autorité supérieure aux autres, dans la mesure où elles ont un rôle essentiel dans la détermination du ↗‹canon scripturarum›. A l’époque d’A. le terme s., appliqué à une institution, «évoque … l’ensemble des prérogatives et des attributions qui y sont domiciliées» [11]; ainsi, si un évêque ‹cathedram sedet› au sens propre, au sens figuré sa s., traduction latine de θρόνος au même titre que ↗‹cathedra› [12], est l’Eglise locale à laquelle il préside en successeur des apôtres [13].

Notes

[2] Tert. praescr. 32: «edant ergo origines ecclesiarum suarum, euoluant ordinem episcoporum suorum, ita per successionem ab initio decurrentem, ut primus ille episcopus aliquem ex apostolis uel apostolicis uiris, qui tamen cum apostolis perseuerauerit, habuerit auctorem et antecessorem»; ↗Tertullianus. –

[3] Tert. praescr. 20: «et perinde ecclesias apud unamquamque ciuitatem condiderunt. a quibus traducem fidei et semina doctrinae ceterae exinde ecclesiae mutuatae sunt et cottidie mutuantur, ut ecclesiae fiant, ac per hoc et ipsae apostolicae deputantur, ut suboles apostolicarum ecclesiarum»; cf. MACCARRONE, Titulo 151sq. –

[4] Cf. LABROUSSE 108-117; ENO, Work; id., Significance; ↗Optatus episcopus Mileuitanus. –

[5] Bel exemple en en. Ps. 44,32. –

[6] Ep. 52,3; cf. ib. 43,7; cath. fr. 46 (tous passages contre des donatistes; ↗Donatistae). –

[7] C. Faust. 11,2; 33,9 (contre des manichéens; ↗Manichaei); Cresc. 3,21 (contre des donatistes; cf. DE VEER, Succession); ep. 232,3 (contre des païens; ↗Paganus). –

[8] Par ex., c. Faust. 28,2 (contre des manichéens); ep. 43,26 (contre des donatistes). –

[9] Pour le contexte, cf. BRISSON. –

[10] Ib.: «in canonicis autem scripturis, ecclesiarum catholicarum quam plurium auctoritatem sequatur, inter quas sane illae sint, quae apostolicas sedes habere et epistulas accipere meruerunt». –

[11] PIETRI, Roma 2,1508. –

[12] En. Ps. 98,3; s. 53,13. –

[13] C. litt. Pet. 2,118: «cathedra tibi quid fecit ecclesiae Romanae in qua Petrus sedit et in qua hodie Anastasius sedet»; cf. ep. 43,3; 44,5 (‹s. episcopales›).

2. L’Eglise romaine. – Parmi toutes les ‹ecclesiae a.›, l’une se singularise par son titre qui n’a pas besoin de précision: s. a. Attestée pour la première fois en 352 dans une lettre de Libère, évêque de Rome, à Eusèbe de Verceil [14], l’expression connaît dès l’épiscopat de Damase (366-384) une grande fortune dans les usages de chancellerie de l’Eglise romaine [15] (↗Episcopi Romani). Seul siège de fondation apostolique revendiquée en Occident, cette Eglise pouvait l’utiliser dans ce domaine sans restriction. A. est l’un des meilleurs témoins à son époque de la diffusion et de la réception de cette formule qui connaît plusieurs dizaines d’occurrences dans l’oeuvre conservée, peut-être dès 391/392 contre des manichéens [16]. Elle se trouve une fois dans une pièce du dossier donatiste [17], mais surtout massivement dans le dossier pélagien [18] en lien direct ou indirect avec des correspondances romaines, mais aussi dans des missives liées à des affaires d’appel à l’évêque de Rome (↗Appellatio), soit les cas d’Honorius en mars 420 [19] ou d’↗Antoninus de Fussala à l’hiver 422/423 [20]. Il s’agit d’abord de la part d’A. d’une déférente reprise protocolaire de l’autodésignation romaine [21], qui peut concerner des évêques contemporains, Innocent Ier (401-417), Zosime (417/418), Boniface Ier (418-422) et Célestin Ier (422-432), mais aussi rétrospectivement Miltiade (311-314) [22]. Il s’agit aussi, à côté et en renfort de l’‹auctoritas› première des évêques et conciles africains [23], d’invoquer celle du siège romain, quelquefois dénommé ‹s. Petri› [24] (↗Petrus apostolus), voire son jugement (‹iudicium›) selon les usages, coutumes et canons reçus en Afrique à l’époque d’A., quitte à dénoncer les usurpations romaines comme dans l’affaire Apiarius ou auparavant dans le dossier pélagien sous Zosime [25].

Notes

[14] Epist. pontif. 211,1,1 (CCL 9, p. 121,4). –

[15] Cf. MACCARRONE, Vicarius; PIETRI, Roma 2,1505-1515; ↗Roma. –

[16] Vtil. cred. 35; l’interprétation de l’expression fait débat: un siège apostolique ou le siège apostolique par excellence soit Rome? Cf. DE VEER, Sedes. Pour le contexte a., cf. DI CORRADO 219-322. –

[17] Cf. en. Ps. 36,2,21. On trouve ‹cathedra a.› en c. litt. Pet. 2,117sq.162. En ep. 9*,4, le sens de ‹tam sancta s.› ne doit pas être forcé; cf. DELMULLE. –

[18] C. ep. Pel. 2,5-7 (cf. DE VEER, Primauté); gr. et pecc. or. 2,6.8.19; an. et or. 2,17; ep. 176,5 (lettre synodale); 186,2.28sq.; 191,2; 194,1; s. 131,10; c. Iul. 1,13; 6,37; cf. CAREFOOTE; DALMON; WERMELINGER. –

[19] Ep. 22*,5-7; cf. LANCEL. –

[20] Ep. 20*,25sq. (cf. MUNIER); 209,8sq. –

[21] Il est frappant que dans le cas de l’affaire Apiarius, qui voit l’opposition entre les évêques africains et l’évêque de Rome, l’expression figure dans la bouche du représentant de ce dernier au concile de Carthage de mai 419 auquel participe A. (Conc. Carthag. a. 419 (CCL 149, p. 90,29)) mais n’est pas reprise par ses hôtes; ↗Episcopi afri. –

[22] En. Ps. 36,2,21; c. Iul. 1,7. –

[23] Cf. significativement dans les dernières années de la vie d’A. ep. 1*,5; cf. MERDINGER; PIETRI, Lettres; pour le contexte, cf. MARSCHALL; OCKER; SAXER; ↗Africa, ↗Concilium (concilia). –

[24] C. ep. Man. 4,5; ps. c. Don. 238s; cf. TRAPÈ. En ep. 53,3, on rencontre ‹cathedra (sc. Petri)›. Pour le contexte, cf. BATIFFOL; GRABOWSKI; LA BONNARDIÈRE; MACCARONE, Cathedra. –

[25] Cf. LAMBERIGTS; ↗Zosimus.

Bibliographie

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MICHEL-YVES PERRIN

«Directeur d’études» an der École Pratique des Hautes Études (EPHE) in Paris und
Inhaber des Lehrstuhls «Histoire et doctrines du christianisme latin (Antiquité tardive)».

 

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